Première pratique d'après midi à ma nouvelle adresse.
Le mois prochain, je fête mes 35 ans. Pour la première fois durant cette vie déjà bien pleine, je vis seule. Après que le tumulte du déménagement et tout ce brassage d'énergies retombent et que je me retrouve au calme dans un grand espace encore plutôt vide, les questionnements et les bilans surgissent. En 35 années de vie, j'ai (si ma mémoire est bonne) habité à 21 adresses différentes, sur 4 continents. J'ai vécu dans de petits appartements en colocation, en couple, dans de vastes maisons avec jardin, dans un camp, des squats, une commune, des ashrams, un camion, une caravane et sur un balcon. J'ai partagé des frigos, des salles de bains, des temps de parole, des vélos, des factures, des fêtes, et même mon lit avec une colocataire québécoise.
Aujourd'hui, je pose mes valises à 2 pas de là où je suis née, et à 2 coins de rues de chez mon amoureux. Avec comme seule cohabitante ma féline Roanne.
Si je sais que la vie en communauté/couple/famille me rattrapera, l'appel du lieu à soi s'est fait très fort ces dernières années. Si certains peuvent percevoir cela comme un repli sur soi, moi, je le vis comme une expansion de mon être. C'est un luxe que je m'offre pour donner plus d'espace à qui je suis. Le yoga à bien sur un rôle à jouer là-dedans. Au mois d’août, quand je passais la porte de Yogiz pour y arroser les plantes, j'ai fait un constat amusant : cet espace, dans lequel j'enseigne, est en fait le lieu qui m'est le plus familier depuis 4 années. J'y ai toujours la même place pour déposer mon vélo, je reconnais l’odeur du bois mêlé à l’encens quand je passe le pas de la porte, je sais où mettre les pieds pour éviter que le plancher grince, j'ai emménagé ici une partie de mes plantes, de mes livres et surtout, je m'y sens bien. Mais ce n'est pas chez moi, c'est un lieu de travail et de pratique visité chaque semaine par une centaine de personnes.
Je me suis observée, voyageuse, j'ai beaucoup plus de facilités à lire, à dérouler mon tapis pour moi seule et de manière générale de faire ce qui est bon pour moi. Pourquoi, l'adresse principale n'avais pas à date, été le terrain propice à ma pratique ? Je ne dis pas que j'ai été malheureuse de vivre les lieux de mon passé. Je sens cependant qu'aujourd'hui se posent les jalons d'une nouvelle perspective du quotidien. Un quotidien, sobre et simple, sans trop de fioritures. Un tapis déjà en place, un espace dédié pour la pratique et chaque chose. Le bureau pour le travail. Le fauteuil pour lire et rêvasser. Une chambre sans écran pour y dormir, aimer, se dévêtir et se vêtir. Une pièce pour les amis et les visites. Un balcon et une deux chaises pour le petit déjeuné sur rue. Des plantes que j'ai vu grandir et le chat qui cherche encore ses repères. Pas d'abonnement internet, un moulin à café manuel et un frigo de camping des AtomicHabits* pour aller plus souvent au marché et moins souvent sur le web et ne boire que les cafés vraiment désirés. Le même bol en bois utilisé tous les matins, une lessive par semaine, des surfaces clairs et propre et seulement les poils de chat qui font désordre. Des vêtements et objets rendus à Emmaüs, de grandes réflexions avant chaque achat, essayer de ne pas passer trop de temps sur le boncoin.
Les jours passent et la magie opère. La lecture est devenue journalière et je m'étonne même d'ouvrir un roman. Les temps de contemplations s'étalent et remplacent peu à peu les excès de zèle. Les nuits sont de plus en plus paisibles malgré les craquements des étages et les quelques sons de la rue. Je réveille l'appartement en chantant des mantras, des chants clairs et enjoués qui raisonnent avec la lumière blanche-dorée du matin. L'espace est habité par de nouvelles routines et le désir d'être chez moi est simple. Je suis pleine de joie à chaque fois que je gravis l'étage qui m’amène entre mes murs. Il semble que les soucis rétrécissent quand on a l'espace pour étendre sa personnalité.
*''AtomicHabits : un rien peu tout changer.'' de James Clear, paru le 16 octobre 2018.
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